Bon… récemment, des conversations avec une personne que j’apprécie beaucoup m’ont fait me rappeler d’un truc central, pour moi. Non pas que je m’en sois vraiment éloigné… mais comme l’air qu’on respire ou l’eau qu’on boit, ça finit par faire tellement partie de nous qu’on les oublie, qu’on les perd de vue.
Faire plus avec moins.
La survie, la préparation à la survie, l’acte de survivre. Par définition, tout cela est étroitement lié à l’indépendance, à la liberté. Plus nous sommes dépendants d’autrui, des grandes et fragiles chaînes logistiques, des énergies non renouvelables, des compétences d’une personne qu’on doit payer, du bon vouloir d’un puissant… tant qu’on est attaché, par un lien de dépendance, à quoi que ce soit, à qui que ce soit, on risque de se retrouver le cul à l’eau. Aussi simple que ça. C’est purement mécanique.
Évidemment nous le sommes tous, à divers degrés. Nous ne sommes pas tous médecins. Nous n’avons pas tous le temps ni les compétences de faire pousser des légumes ou de faire fonctionner une centrale électrique. Mais il est possible, tout en restant attaché à tous ces services, à tous ces objets, à tous ces gens, de garder un pied en dehors du carrosse. De ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. J’adore la fiabilité hallucinante du réseau électrique français, et je paye mes factures, mais j’ai quand même quelques bougies à la maison… et un système de chauffage qui fonctionne sans électricité aucune. Ce faisant, je limite tout simplement les rapports de dépendance entre les systèmes qui servent à maintenir ma famille en vie. Notre système de chauffage peut rapidement devenir indépendant du système électrique. Toute notre existence n’est pas pendue à une seule et unique mamelle logistique (un supermarché), mais bien à plusieurs producteurs locaux. Par souci écologique, bien sûr, mais aussi pour limiter le nombre d’éléments du système qui assure notre subsistance. Quel système est réellement le plus robuste ? Celui qui se fait à la main avec le savoir faire du pays, et qu’on peut aller chercher à pieds ? Ou celui qui implique 97 produits chimiques, des centaines d’employés, de gestionnaires, d’intermédiaires, de grossistes, de transporteurs, de douanes, de routes et de magasins ?
Comme dans un tout système, plus il y a d’éléments, et plus ils sont interdépendants, plus le risque de dysfonctionnement est élevé. C’est pour cette raison que les couteaux fixes et les ponchos sont plus robustes et plus polyvalents que les couteaux pliants et les vestes de pluie. C’est aussi pour cette raison que le rasoir d’Occam tranche si bien. C’est aussi pour cette raison que le silence est d’or… C’est pour ça qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Faire plus avec moins.
C’est un mode de vie. Simple. Pourquoi avoir 14 couteaux tous plus ou moins merdiques alors qu’on pourrait en avoir UN, mais un vraiment bien ? Pourquoi devrait-on avoir 12 sacs à main, alors qu’un sac à dos fait le même boulot ? Pourquoi, de nos jours, avons nous oublié le plaisir qu’on ressent quand on réussit à réparer son vélo avec un peu d’astuce, d’espièglerie, et un vieux bout de fil de fer ? Pourquoi est-ce que mon fils a une canne à pêche en fibre de carbone avec un moulinet ultra machin truc, et le droit de pêcher nulle part ? Pourquoi est-ce que derrière moi, là, j’ai une caisse pleine de magnifiques couteaux tous plus utiles les uns que les autres, alors que j’en utilise principalement un seul : mon vieux Mora tout pourri ?
Faire plus avec moins, c’est, en fait, limiter les rapports de dépendance qu’on entretient avec les objets. C’est être, soi-même, un système plus robuste avec moins d’éléments qui peuvent merder. Faire plus avec moins, c’est être forcé d’imaginer des solutions, c’est remplacer l’outil par un détour mental, c’est parfois être obligé de savoir, de comprendre, de réfléchir.
Dans nos sociétés, faire plus avec moins se heurte souvent à un obstacle majeur : la tentation du bel objet, l’envie de posséder, l’envie de se faire valoir comme était celui ou celle qui possède LE truc qui va bien… Mais comme le disait si bien Tyler Durden : les choses qu’on possède finissent par nous posséder.
Faire plus avec moins, c’est comprendre comment notre corps fonctionne. Faire plus avec moins, c’est avoir une bagnole sans trop d’électronique, et pouvoir la bricoler soi-même. Faire plus avec moins, c’est faire des pièces pour son vieux pantalon. Faire plus avec moins, c’est s’arracher les grands dorsaux suspendu à un manche de pioche au grenier… d’ailleurs c’est ce qui m’a d’abord séduit dans la méthode Lafay : c’est un joli détour mental pour arriver à s’entraîner bien avec peu de matériel. Faire plus avec moins, c’est avoir 5 techniques qui fonctionnent bien pour se défendre, et les perfectionner vraiment. Savoir les placer. Savoir quand les placer. Savoir quand ne pas les placer.
Faire plus avec moins, au final, c’est un peu être plus, et paraître moins, non ?
Des contre exemples ?
- Le tuning. Même moteur, même bagnole, mais plus de gueule.
- Les mecs qui se mettent en valeur avec tous les trucs qu’ils vont faire, au lieu de juste se contenter de savoir ce qu’ils ont fait.
- Les bibelots. Les sabres émoussés qui prennent la poussière sur les murs. Les flingues décoratifs. Les décorations de pacotille sur les tomahawk qui n’ont jamais servi.
- Les katas musicaux, les coups de pieds sautés et le karaté artistique.
- Les nichons en silicone, le botox, et les moumoutes.
- Les tigres à qui on a coupé les griffes, les c*u!lles et qui dorment l’estomac plein d’une viande qu’ils n’ont jamais tuée eux-mêmes.
Bah ouais, je sais. Je vais pas me faire des copains. D’ailleurs je pourrais bien m’en vouloir à moi-même, parce que je m’autodérisionne aussi, pour le coup. Moi aussi j’ai déjà fait des coups de pied sautés qui ne servaient à rien d’autre qu’à me donner une fausse bonne image de moi-même… Mais le fait est là. Je cherchais à paraître, et pas à faire.
Et si la liberté, la robustesse, l’indépendance et la simplicité étaient liées ? Et si tout ça était, en fait, un peu tout le même bordel ?
J’en sais rien. Je veux juger personne… mais je trouve quand même qu’on vit une époque formidable.
Allez. Je vais aller voir mon pote le Dr. House
http://www.davidmanise.com/faire-plus-avec-moins/